École Militaire Préparatoire des Andelys (Eure) Infanterie

 

  La date d’entrée à l’école étant arrivée (début septembre 1954), les préparatifs ont été menés bon train, valises, nécessaire de toilette, automobile …

La journée s’annonça longue, trajet important, famille au complet, visites à des amis en cours de route et un peu de tourisme. Nous arrivâmes le soir, vers 17 heures dans cette école où nous fûmes accueillis par des cadres de la 6ème compagnie. Comme il se doit, visite des locaux devant nous recevoir, classe, chambres avec lits superposés, lavabos et présentation de la caserne.

Vint l’heure de la séparation; à 11 ans ce n’est pas simple de quitter sa famille et la larme à l’œil j’assistais au départ de mes parents. Le cœur gros, mais pas le seul, je rejoignais mes compagnons d’infortune pour tisser les premiers liens. Un autre gars de la Sarthe était là, qui sera dans la même classe que moi : Jean-Claude De Wilde* originaire de Rouillon, à côté du Mans. Notre classe sera la 6ème M2 , langue vivante: Allemand. Notre professeur d’Allemand, monsieur Let un nom très court, tout comme notre prof de Français, monsieur Dort.

 

Je ne me souviens plus du nom de mes autres enseignants, un de mes camarades rencontré au cinquantenaire de l’EMPT du Mans, ancien des Andelys ayant oublié de me rendre mon Palmarès de l’année scolaire 1954-1955, où nos exploits scolaires étaient bien détaillés. Ami AET, si tu te reconnais en lisant ces lignes, tu me ferais un immense plaisir à me rendre ce document, après 12 ans de consultation tu as pu l’apprendre par cœur. Mon adresse:

Hubert Létendard, 4 cité Beaumont, 72330 Oizé.

La visite médicale d’incorporation eu lieu au cours du mois de septembre, suivie des vaccinations nous confinant dans nos chambres, avec interdiction de manger nos colis (envoyés par nos proches, pour compenser la nourriture peu appétissante de l’ordinaire). Ainsi, un médecin cru déceler chez moi un souffle au cœur, et pour s’en assurer, m’envoya au Val de Grâce à Paris. Après des examens négatifs, je revenais à l’EMP et reprenais mes études..

 

En ces années, encore toutes proches de la guerre 39-45, la vie à l’EMP n’était pas facile. Nous n’étions pas dorlotés, loin s’en faut. Le plus dur: la nourriture, plus proche d’une pitance à gorets que d’un festin de prince. Plusieurs fois par semaine, la corvée de pluches de patates était la condition à l’obtention du p’tit déj’, breuvage à base de malt et de petit lait, avec un bout de pain et une sardine. La purée de pois cassés ou de fayots était monnaie courante. L’avantage c’est que nous étions plus légers pour le sport.

 

Ce qui m’a également marqué, c’est cet hiver très rude qui a suivi les cérémonies du 11 novembre. Le froid terrible nous a privé de toilette longtemps, les lavabos étant hors service pour cause de gel. Dans nos chambres, nous étions chauffés par des poêles au charbon, bien chargés avant de nous coucher, tout rouges. Nous dormions avec des chandails par-dessus les pyjamas, les 3 couvertures réglementaires plus la capote au dessus. Le matin, au réveil, une couche de glace de plusieurs centimètres recouvrait les vitres des fenêtres. Nous n’avions pas de thermomètres, mais nous avons entendu parler de –25°! C’est cet hiver que l’abbé Pierre lança son appel si célèbre.

 

Au Noël 1954, nous partîmes en permission par autocar militaire de l’école à Gaillon, gare la plus proche, munis de notre ticket de train pour chacun sa destination. Mis dans le train en direction de Paris St Lazare, notre accompagnement s’arrêtait là. Je fis route avec J.C. De Wilde, à deux on se débrouille mieux. À Paris, métropolitain, façon début du siècle, avec sièges et voitures en bois, entrée en gare Montparnasse et départ pour Le Mans. À l’arrivée, surprise: les parents de J.C. étaient avec les miens, mon père ayant fait connaissance du père De Wilde professionnellement, nouvellement affecté à la prison du Mans. Le père de J.C. étant gardien de la Paix.

 

Je passais ces vacances de Noël dans notre nouvelle maison, au Mans, appréciant les maigres cadeaux possibles en fonction des moyens paternels.

Le retour vers l’école fut plus compliqué, je partais seul, muni du ticket Le Mans-Gaillon. Problème : arrivé en gare Montparnasse, le contrôleur garde mon billet et trop timide je n’ose pas lui réclamer. À St Lazare, je retrouve un paumé comme moi, nous avions raté le train prévu pour l’école, et on décide de monter ensemble dans un train passant par Gaillon. Contrôlé pendant le trajet, pas de billet mais vu notre tenue d’enfant de troupe, le contrôleur nous accompagna à Gaillon et téléphona à l’école.Un certain temps plus tard, une voiture de l’école (traction) nous ramena à bon port.

L’hiver fut très rigoureux, il gelait dans les bâtiments, plus moyen de se laver, on dormait avec la capote. Le matin une couche de plusieurs centimètres de glace couvrait les vitres des fenêtres dans les chambres (condensation des respirations). La Seine était gelée, l’abbé Pierre lança son appel en faveur des sans-abris.

Parmi nos séances de plein air, la visite au Château Gaillard était très prisée. Nous sortions de l’école par un petit chemin de terre, bien entendu à pied, nous ramenant sur la route dominant le coteau à l’arrière de l’école. Nous longions des forêts dangereuses, encore parsemées de restes de la guerre: casques, armes, munitions et autres bidons… laissés par les Allemands.

Au bout de plusieurs kilomètres, nous arrivions par le haut sur le fameux site. Là, des jeux étaient organisés pour nous habituer aux pentes très abruptes.

Ou encore nous partions avec nos demi-toiles de tente et le barda (bidon, quart, couvert) nous installer dans un terrain pour camper et pique-niquer, toujours par voie pédestre.

Les visites en ville étaient rares, sinon pour défiler ou rencontrer d’autres écoles pour un match de foot. On nous appelait « chair à canons » lorsqu’on pouvait entendre les badauds s’exprimer.

Une ancienne briqueterie jouxtait l’école, sur le bord du Gambon, célèbre ruisseau traversant l’école. Un pré s’étendant entre elle et la route de Givors.

Notre prof de Français, monsieur Dort, choisit cet endroit pour nous montrer sa belle acquisition de l’époque, la mythique Deudeuche. Intarissable sur ce sujet, notre prof!

Comme dans toute école, nous avons été bizutés par nos anciens, bibite au cirage ou autres gâteries, mais cela fait partie de la vie d’Enfant de Troupe.

Dans notre paquetage d’apprenti militaire, nous avions une patience pour briquer les boutons de nos vareuses et capote, ainsi que du cirage pour les brodequins et chaussures de sortie. Nous avons appris à repasser ces vêtements, avec les plis règlementaires.

Quand une revue de détails était programmée, nous fourbissions nos quarts, issus de la guerre 14-18, ainsi que la gamelle et les couverts.

Pour tromper mon ennui, je m’inscrivis à la musique de l’école comme clairon, et mon copain Didier Couturier comme tambour. Cela nous permettais d’échapper à certaines corvées peu appétissantes (les chiottes, par exemple).

D’autres ateliers étaient possibles pour les manuels: modélisme, poterie, peinture. Les sportifs, plus doués que nous, participaient aux différents concours et rencontres extra école.

 

En dehors de l’apprentissage du métier militaire, on nous enseignait l’Art el la Manière, c.à.d. la politesse, la bienséance, le respect, en un mot le civisme.

Et il en est resté quelque chose!!!

 

 

 

 

Le Château Gaillard

Au printemps 1955, en Avril, si ma mémoire est bonne, je passait un concours pour entrer dans une EMPT (Tulle ou Le Mans), à ma demande, je ne sentais pas ma carrière en tant que généraliste très militaire, mais plutôt comme technicien, attiré par ce qu’on appellerait aujourd’hui la Technologie.

Le résultat me parvint un peu avant la fin de l’année scolaire, avec une excellente moyenne. L’EMPT du Mans fut choisie, ce qui, apparemment, tombait bien. Vous découvrirez dans les pages suivantes que là encore, ce n’était pas gagné.

 

Les Andelys: ville constituée du regroupement de deux villages, le Petit Andely et le Grand Andely. J’y suis retourné, il y a quelques années, pour essayer de retrouver les traces de mon enfance. Déception, comme la plupart des villes, l’urbanisation, le développement -comme ils disent– a profondément transformé l’environnement de notre EMP. Subsistent les bâtiments principaux devenus lycée, le monument aux morts. Le Gambon a disparu sous terre, plus rien de l’ancienne briqueterie, remplacée par ce qui fait la fierté de nos profiteurs; parkings, hypermarchés, centre commerciaux. La ville a effacé la campagne existante dans les années 50… nostalgie, quand tu nous tient…

 

 

La classe de 6ème M2 en 1954/1955