École d’Application des Transmissions Montargis |
Nos dernières vacances scolaires, mes parents, satisfaits de mes résultats, m’ont offert un poste radio à transistors de marque Grammont, toujours en ma possession. Cette radio portable sera mon compagnon et m’aidera à combattre la nostalgie pendant plusieurs années. Vacances n’est déjà plus le terme qui convient à mon emploi du temps de cet été 1960. Ma mère, toujours elle, m’a trouvé un emploi d’électricien chez un artisan à Bouloire (Sarthe). Hébergé par une petite grand-mère à quelques kilomètres du bourg, j’enfourchais la bicyclette tous les matins pour me rendre au boulot. Là je m’aperçus qu’il y avait un monde entre notre apprentissage à l’école et la réalité du terrain. J’étais plus souvent occupé à buriner des trous dans les murs et gâcher du plâtre pour sceller les interrupteurs et autres, qu’à réaliser du câblage. Le temps du labeur arrivant à son terme, un ch’ti salaire en récompense, je préparais mon paquetage pour la nouvelle aventure. Retrouvant mon copain Carch’, qui était en vacances chez sa copine au Mans, nous prîmes le train, en tenue d’enfant de troupe, pour Montargis, via Paris, Melun . Arrivés en gare de Montargis, ne connaissant rien, nous décidâmes de prendre un taxi pour rallier la caserne où nous arrivâmes largement dans les temps. Accueillis par un planton au poste de garde, nous sommes dirigés vers le bâtiment où se trouve le « Groupement Champagne » comportant trois sections. Un AET nous reçoit et nous présente nos locaux, puis nous guide vers l’ordinaire, car il commençait à faire faim. Dans notre section, nous étions cinq AET, Lecardonnel, Marie, moi-même, issus du Mans de la même classe, Morin et Lhomme sortis de l’EMPT de Tulle. Le reste de la section était composé d’engagés volontaires venant du civil. Étant de la fin juin, je fus le dernier à signer mon engagement pour cinq ans, soit presque après une année gratuite pour l’Armée. Physiquement, j’étais moins solide que mes camarades, l’écart d’âge me pénalisant, pour le parcours du combattant et autres entraînements. Mais j’ai tenu le coup, sauf pour les jeux d’eau à cause de ma phobie de l’eau, remontant à ma plus tendre enfance. Malgré toute la bonne volonté dont je pouvais faire preuve, arrivé dans la piscine, mes membres se tétanisaient. Cela me valut l’échec au C.I.A., le seul examen que je n’ai pu accrocher à ma panoplie. Or, pas de C.I.A. (Certificat Inter Armes), carrière militaire sans grand intérêt! Nous étions encore à une époque où un militaire digne de ce nom, devait être un solide gaillard. L’école d’Application des Transmissions de Montargis formait des sous-officiers et des E.O.R. Des militaires d’autres pays venaient y faire des stages: pendant notre séjour, nous côtoyions des Libanais. Décidé à ne pas perdre mon temps, je suivais scrupuleusement les cours de radio, prodigués par des sous-officiers techniciens, dont le sergent-chef Coquet que je retrouvais plus tard à Colomb Béchar, devenu adjudant. Une période tendue nous mis sur le qui-vive, à l’époque du putsch en Algérie des généraux dissidents. Pendant quelques jours, nous dormions en treillis, prêts à sauter dans les camions, à la moindre alerte. Nos gardes aux munitions étaient particulièrement vigilantes. Quand on écopait d’une punition, genre « tôle », ce qui a été mon cas (15 jours), on participait aux cours et exercices le jour, puis on se présentait au chef de poste pour notre incarcération, godasses sans lacets, pantalon de treillis sans ceinture, rien dans les poches, tout dans la tête. Pour tout mobilier, dans la cellule, une planche pour s’allonger et une couverture. Pas de vitres à la fenêtre, mais des barreaux, comme au siècle dernier (je veux dire avant dernier!). J’ai écopé de ma tôle au mois de février, c’est vous dire si je me les suis caillées. Au fait, je ne me souviens plus du motif, mais on avait un « chien de quartier », un juteux, plus à cheval que le plus dur des règlements militaires, une perle, quoi! Malgré soi, on devient un petit toutou! En revanche, on avait un excellent ordinaire, mangeant comme des chefs. L’officier d’ordinaire, un capitaine, était d’une exigence méritoire tant envers ses fournisseurs que ses cuistots. Grâce à cela, on tenait le coup. L’exercice de tir se passait, Lapalisse en rirait, au champ de tir. Seul problème, la distance. Situé au Nord de Montargis, près de la route de Fontainebleau, nous traversions la ville au pas cadencé, avec notre bon vieux MAS 36 de la sortie Sud (N7) où se trouve le quartier E.A.T. Au fur et à mesure que l’on grandissait, nous apprîmes à maitriser divers engins de destruction humaine: MAT 49, FM BAR, FM 24-29… Nous avons même appris à détecter les mines (de l’époque). Ce qui aurait pu me servir par la suite était très succinct: l’arme atomique, les radiations, sujet encore en balbutiement. Je ne suis pas reparti de cette école les mains vides: j’ai obtenu deux certificats de spécialité 162/262/TRANS de mécanicien-dépanneur radio. Bien m’en a pris, cela m’aida à obtenir mon admission à l’E.S.T.T. située à pontoise à cette époque. (Ecole Supérieure Technique des Transmissions). En outre, bien que n’ayant pas encore l’âge, j’obtenais haut la main mon permis de conduire VL militaire. Je le fis transformer plus tard, (à l’ESTT) par la préfecture de Versailles. En raison des évènements en Algérie (putsch), nous étions en état d’alerte, comme d’autres casernes. |